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Référence images:

1. Palais du gouvernement d'Alger, arch. Jacques Guiauchain, 1929-1934. photo, David Rueda, google maps, 2016

2. Hôtel Es Safir, arch. Richard Johachim et Auguste Bluysen,1930. photo Mutual Heritage, 2008.

3. L'Aéro-habitat, arch. Louis Miquel, 1950-1955. photo Yves Jalabert, Flickr, 2006

4. Cité Diar El Mahçoul, arch. Fernand Pouillon, 1955. photo Mutual Heritage 2006

5. Université des sciences et technologies d'Alger, arch. Oscar Niemeyer, 1971-1974. photo Sarah Anouar 2016

6. Salle omnisport du complexe du 5  juillet 1962, arch. Oscar Niemeyer, 1975. photo Rvince, Wikimedia, 2009

MULTI-CULTURE
L'architecture moderne à Alger (1930-1980)
par Djazia Merbah

Située au nord de l’Afrique, l’Algérie est un pays méditerranéen et majoritairement désertique, de ce fait, le développement urbain s’est manifesté plus particulièrement dans les villes du nord du pays, essentiellement des villes côtières.

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Plusieurs civilisations se sont succédé dans la région laissant leurs traces dès le 9e av. J.-C. avec l’ère antique, qui verra la dynastie arabo-berbère lui succéder du 7e au 16e siècle, puis la civilisation ottomane du 16e siècle jusqu’au début du 19e où l’on retrouve enfin la période coloniale française à partir de 1830 et ce jusqu’en 1962.    

   

La période entre 1930 et 1980 comprend donc deux phases distinctes dans l’histoire de l’Algérie, la phase coloniale française d’avant 1962 et la phase postcoloniale de l’Algérie indépendante d’après cette date.  

    

L’architecture moderne algérienne est apparue avec la présence française, les racines de son développement remontent donc au début de la colonisation en 1830 à Alger. À cette époque, et pour asseoir la domination française, une partie importante du noyau traditionnel d’Alger fut détruit pour faire place à un urbanisme à l’image des transformations haussmanniennes de Paris. Ainsi, des places, des percées de rues et boulevards firent leur apparition aux dépens du tissu traditionnel. Une nouvelle ville moderne conçue selon les normes d’outre-mer a vu le jour, offrant une organisation ordonnancée et adoptant une architecture historiciste et éclectique. Durant cette période, les édifices étaient généralement construits en pierre porteuse pour les soubassements et les socles et en briques pour les niveaux supérieurs dotés de planchers en voûtains supportés par des poutrelles métalliques.

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Ce n’est qu’à partir de 1900 qu’une volonté politique de préserver et de respecter la culture locale donna lieu à l’apparition d’une tendance orientaliste qualifiée de néomauresque ou d’arabisante. Cette architecture puisa ses éléments stylistiques dans le langage architectural oriental de la période ottomane associé au vocabulaire architectural colonial. La tendance néomauresque durera une trentaine d’années pour décliner vers 1930 au profit d’un urbanisme et d’une architecture moderniste dans le but d’inscrire la ville d’Alger dans la modernité de l’époque et confirmer son statut de capitale de la rive sud de la Méditerranée.

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Ainsi de 1830 à 1930 l’architecture s’est partagée entre le néo-classicisme européen utilisant le vocabulaire des colonnes et pilastres, des corniches et entablements, des balustres, etc., et les tendances « orientalistes » reprenant le décor islamique et se voulant plus « populaire ».   

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C’est à partir de 1930 que les bases de l’urbanisme algérois se mettent en place avec l’élaboration de plans régionaux comprenant la réalisation de plusieurs projets d’envergure. Alger devient un vaste champ d’expérimentation d’idées nouvelles. Le Corbusier développa ainsi entre 1931 et 1942 son « plan Obus » pour la ville, sous la forme d’un immense viaduc d’une douzaine de kilomètres de long abritant des logements divers et surplombé d’une autoroute.

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Parmi les réalisations architecturales à Alger entre 1930 et 1945 nombreuses se rattachent à un style hétérogène transitionnel combinant des éléments hygiénistes modernes tels que grandes ouvertures, élimination des cours intérieures et d’éléments de vocabulaire plus classique incluant : corniches, claustras et notion de monumentalité.     

  

Ce n’est qu’après la coupure 1936-1945 due à la Seconde Guerre mondiale, que l’on voit se dessiner des caractéristiques stylistiques modernistes fortes. Le passage de Le Corbusier dans les années 1930 et son retour avec de nouvelles propositions influencèrent de nombreux architectes et stimulèrent la construction. 

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C’est plus précisément à partir des années 1950 qu’un changement important va caractériser l’architecture d’Alger. Ainsi l’habitat social devient une problématique de taille, la dégradation de la Casbah et la prolifération de bidonvilles entrainent une réflexion d’aménagement à l’échelle régionale et le développement d’une politique urbaine et sociale.

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Abandonnant l’alignement le long de la voirie au profit de grands immeubles isolés, les projets réalisés témoignent de l’impact des CIAM sur le paysage algérois, ainsi plusieurs cités HLM sous forme de barres parallèles voient le jour mais c’est avec des architectes comme Fernand Pouillon (1912-1986) que sont développés des projets se voulant plus imprégnés de la culture locale.

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La dernière période de l’architecture moderne se développa à partir de l’indépendance de 1962, cette période fut marquée par la mise en place de schémas de structures en prévision de l’extension de la ville. Dans cette optique on fit appel à plusieurs architectes de renom tel qu’Oscar Niemeyer pour la conception de projets d’envergure en vue de construire une nouvelle nation, tels que complexes touristiques, cités universitaires, équipements administratifs, culturels et sportifs. Parmi les architectes les plus prolifiques de cette période on retrouve Fernand Pouillon qui poursuivi sa pratique en Algérie jusqu’aux années 1980.

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L’architecture expressive et plastique de cette période qui durera jusqu’aux années 1980 témoigne de la volonté de l’Algérie indépendante de s’inscrire dans le renouveau et d’établir un état souverain sur des bases en rupture avec le passé colonial.

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L’architecture moderne à Alger s’est donc déclinée du début du 20e siècle jusqu’aux années 1980 en trois grandes périodes conditionnées par des paramètres sociaux, culturels et politiques. Les deux premières périodes s’inscrivent sous l’égide coloniale : la première comprise entre 1930 et 1950 correspondant aux débuts du modernisme caractérisée par une production architecturale transitionnelle entre modernité et tradition. La seconde, de 1950 à 1962 inscrite dans un contexte de crise de logements accrue et de révolte sociale. Cette dernière fut marquée d’une part, par la production de grands ensembles modernes appliquant certains principes corbuséens, d’autre part et dans une moindre mesure, la production d’une architecture d’influence locale. La troisième et dernière période qui débute à partir de l’indépendance de 1962 et qui s’échelonne jusqu’aux années 1980  est caractérisée, quant à elle, par l’abondance des mises en chantier et l’émergence de projets de prestige exploitant principalement une architecture moderne expressive et plastique témoignant d’une volonté de rupture avec le passé colonial et d’une quête d’identité algérienne propre.

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