top of page
MULTI-LITURGIES
La Cathédrale, type architectural revu et corrigé : Étude de cas à Nicolet
par Sophie Lamarche

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Église catholique entama un important mouvement de modernisation de son image et de ses formes d'expression. Cette réforme liturgique mena d'ailleurs à la publication de plusieurs guides émettant des principes directeurs concernant la construction des églises et l'aménagement des espaces intérieurs de celles-ci. Au Québec, c'est le Directoire pastoral sur la construction des églises publié en 1960 par l'archevêque de Montréal qui eut le plus d'influence sur le développement d'une plasticité inédite des nouveaux lieux de culte catholiques. Toutes ces directives furent d'ailleurs consciencieusement appliquées au projet de construction de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Nicolet (1961-1963) ; un projet qui devint rapidement au sein de la nation québécoise un archétype du renouvellement formel et esthétique de ce type d'église. Véritable témoin de son époque, la cathédrale de Nicolet fut aussi grandement influencée par le paradigme de la mobilité individuelle, par les nouvelles avancées techniques ainsi que par les nouveaux matériaux disponibles sur le marché à l'époque.

​

Il est important de mentionner que cette cathédrale conçue par l'architecte Gérard Malouin fut construite en réponse au glissement de terrain de 1955 ayant forcé la démolition de la cathédrale précédente; un bâtiment néoclassique construit aux abords de la rivière Nicolet. Pour sa reconstruction, le diocèse choisi un terrain entièrement minéralisé en bordure du boulevard Louis-Fléchette, en retrait du sol affaibli par le séisme. Cette proximité du grand boulevard urbain influença d'ailleurs sans contredit la façon dont furent aménagés les accès à la cathédrale. L'accès automobile à la façade principale se fit via une voie de service en demi-lune protégée d'une marquise, procurant ainsi à l'entrée principale une impression de quai de débarquement.

​

Au niveau formel, la modernité de la cathédrale est caractérisée par un jeu de lignes courbes exprimées tantôt par une toiture faite de voiles de béton autoportants, tantôt par la forme arquée que prennent chacune des élévations. Ces éléments structurels audacieux et expressifs témoignent d'ailleurs des progrès techniques constructifs de l'époque rendus possible par la souplesse d'utilisation du béton armé. Quant à elle, la façade principale se distingue par l'immense verrière tapissée d'un vitrail multicolore signé Jean-Pierre Charland. L'œuvre de cet artiste nicolétain reflète d'ailleurs bien les tendances artistiques de l'époque, dont la composition principalement abstraite rend aussi hommage de façon figurative au patron de la paroisse. Ce parti pris visant à concilier l'art abstrait moderne et l'art figuratif chrétien répondait aussi au principe directeur du Directoire pastoral sur la construction des églises visant à favoriser un art sacré contemporain.

​

La modernité du bâtiment s'exprime aussi, et surtout, par la disposition et la spatialité de ses volumes intérieurs. En effet, le plan du bâtiment - une relecture fonctionnelle du plan en croix latine - s'oppose drastiquement à la façon traditionnelle de distribuer les espaces de façon symétrique. Dépouillée d'ornements et d'éléments structuraux susceptibles d'obstruer la vue vers l'autel, la nef s'ouvre sous forme d'éventail devant le chœur. Cette absence de jubé, de colonnes et de bas côtés permit ainsi de répondre aux principes du Directoire pastoral visant à favoriser une vue directe et uniforme sur le célébrant afin d'assurer une participation pleine, active et consciente des fidèles à la messe. Il est intéressant d'ajouter que l'architecte pris même le soin d'incliner le sol de la nef vers le chœur, toujours afin que l'autel devienne le foyer de convergence de toute l'assemblée.

​

Quant à la spatialité de l'intérieur de la cathédrale, celle-ci se distingue par une ambiance caverneuse induite par le plafond de béton brut épousant la forme des paraboloïdes hyperboliques constituant la toiture de l'édifice. Cette structure plutôt sombre est toutefois illuminée et mise en valeur par le colossal vitrail multicolore de la façade principale, ainsi que par un éclairage électrique composé de lampes dorées suspendues venant souligner les courbes de celle-ci.

​

En conclusion, la modernité de cet édifice est perceptible sur plusieurs plans ; que ce soit par son plan, par le traitement des espaces, par son expression formelle, par les techniques constructives employées, par le choix des matériaux, par l'intégration de l'art à l'architecture, par son rapport à la rue et à l'automobile ou encore par son adéquation aux principes du renouveau liturgique. Toutefois, compte tenu des techniques constructives novatrices employées pour la construction de cette cathédrale et de la vétusté des matériaux, d'importantes infiltrations d'eau au niveau de la toiture eurent raison de la dégradation de celle-ci. Ainsi, plus de 50 ans après sa construction, la  cathédrale de Nicolet nécessite aujourd'hui plusieurs travaux de rénovation et de restauration. À cet effet, le Conseil du patrimoine religieux du Québec vient tout juste de rendre admissible cette église à son programme d'aide financière. Un important projet de restauration est donc en préparation.

Référence images:

1. Cathédrale de Nicolet (1929), (s.a.), BAnQ Vieux-Montréal, P748,S1,P1567.

2. Cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Nicolet (1961), Sophie Lamarche, 2017.

3. Intérieur de la cathédrale Sophie Lamarche, 2017.

4. Entrée de la cathédrale, Sophie Lamarche, 2017.

5. Vitrail de la façade principale de la cathédrale, Sophie Lamarche, 2017.

6. Plan de la cathédrale (1961), Varry, J., ABC, volume 19, numéro 215, mars 1964, p.30. 

bottom of page